•  A) D'une France sous l'emprise du doute et du malaise...

     

    Après 1968, les « problèmes » se multiplient.
    La plupart sont en fait nés de la croissance et de la recherche effrénée de l'épanouissement individuel.
    Loin de la découverte éblouie de la société de consommation et des libertés qui l'accompagnent, c'est bien le temps du doute qui marque les années 1970, après le choc contestataire de 1968.La crise économique qui frappe le monde au milieu de la décennie confirme l'atmosphère de malaise et met fin aux Trente Glorieuses. De ce fait, les crises se succèdent, par exemple avec les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979-1981.  Ces chocs pétroliers contribuent à entretenir dans la population cette culture du doute, l'illusion d'une crise de courte durée disparaît alors. La France, issue des années de prospérité de la grande croissance voit avec horreur s'installer durablement des maux qu'elle croyait à jamais conjurés. Le plus dramatique est le chômage dont les taux croissent inexorablement.
    Le chômage frappe de plein fouet une population pourtant convaincue, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, que ce spectre avait à jamais disparu. C'est leur désarroi et l'incrédulité devant l'abîme qui s'ouvre sous leurs pieds que chante en 1979, Eddy Mitchell dans Il ne rentre pas ce soir.

    D'un autre côté, tout un pan de la chanson française traduit désormais le malaise d'une société à laquelle la crise a fait perdre ses repères.
    Symbolique de ce nouvel état d'esprit, les vedettes du temps de la crise rejettent le statut de stars. Renaud en est un exemple caractéristique, mais c'est sans doute Alain Souchon qui marque le mieux le malaise des années 1970 avec des chansons comme Allô maman bobo qui traduisent la fragilité, et la vacuité éprouvée par la société.
    Dans son sillage, Daniel Balavoine affirme en 1980 Je ne suis pas un héros. Versant féminin du même sentiment, Si, maman, si de France Gall évoque le malaise d'une génération qui peine à trouver sa place dans une société où elle ne se reconnaît pas et choisit la douce somnolance d'un présent sans passion. Dans cette vision noire du monde, les normes apparaissent dérisoires, comme l'espoir dans un avenir radieux. Jean-Patrick Capdevielle le déclare sans ambages en 1979 dans Quand t'es dans le désert.  Entrainé dans un monde glauque où tout semble éphémère, dans une ronde infernale à laquelle nul ne peut échapper, l'homme paraît un jouet aux mains d'un destin capricieux et malintentionné. Comment échapper au cycle maudit, s'interroge Alain Bashung dans C'est comment qu'on freine ? En 1982

     Les français plongent alors dans une nostalgie récurrente.
    L'ambiance noire des temps de crise suscite, par réaction, la nostalgie des années soixante. Les « sixties »  apparaissent, avec le recul du temps, comme une plage ensoleillée où tout semblait possible.
    D'où un bouquet d'airs nostalgiques sur leur jeunesse perdue chantés par des interprètes qui ont tout juste dépassé la trentaine. Parmi eux, Jane Birkin qui, sur des paroles et une musique de Serge Gainsbourg, se déclare Ex-fan des sixties, rendant hommage aux vedettes anglo-saxonnes du rock'n'roll dont une partie a disparu, souvent victime de la drogue. Egalement Alain Souchon et Laurent Voulzy qui composent un immense succès avec Rock collection. C'est en souvenir des Beatles que Marie Laforêt interprète Il a neigé sur Yesterday en 1977. Mais c'est sans aucun doutes, Eddy Mitchell qui traduit le mieux la nostalgie inquiète de la génération des yéyés devant un monde qui change trop vite à leurs yeux.

    De là, on retrouve le thème insusable du regret de l'enfance enfuie qu'Eddy Mitchell reprend à son compte en 1984 dans Comme quand j'étais môme et que Renaud à son tour emprunte dans Mistral gagnant en 1985.

     


     B) ...à une France au refus incontestable du laisser aller.

     

    Si la nostalgie de l'âge d'or peut apparaître comme une thérapie contre le désespoir, elle ne constitue pas un réel stimulant. Parallèlement, nous pouvons constater une tendance à regarder en face les difficultés et à en triompher, à refuser de se laisser emporter par la morosité ambiante


     La période est marquée par une volonté d'étourdissement dans les rythmes du rock qui, fait de la fin des années 1970 l'âge d'or de la musique disco d'origine anglo-saxonne. La crise ouvre la voie à une remise en cause de la chanson française. Les interprètes se mettent à chanter en anglais pour répondre à l'attente d'un public, désireux d'oublier la grisaille quotidienne. Claude François chante ainsi Magnolias for ever en 1977, France Gall Dancing Disco la même année et Sylvie Vartan Disco Queen en 1978.

     Plus étrange, des chansons aux textes noirs qui connaissent le succès deviennent des airs à danser répétés a satiété dans les discothèques, entre autres : il en est ainsi de Disparue(1982) qui évoque les rafles politiques en Amérique du Sud ou encore Manureva, interprétée par Alain Chamfort, sur la disparition en mer du navigateur Alain Colas.

     Le plus grand succès de ces chansons dansantes à contre-emploi reste cependant Marcia Baila, chanté par le groupe Rita Mitsouko en 1984.
    Mais ces airs dansants en forme d'exorcisme ne représentent qu'une fraction des réactions à la crise.

    L'une des plus marquantes est le renouvellement des formes musicales avec la fin de la vague disco et l'apparition de nouvelles formes de rock, inspirées du phénomène Punk, venu de Grande Bretagne et d'un rock fondé sur de nouveaux sons : guitares saturées, synthétiseurs, boites à rythme.

     Sur ce fond musical, ce rock de la dérision et de la violence, du refus des valeurs admises, délivre un message critique, voire provocateur, sur la société, et invite les auditeurs à ne plus subir un monde aliénant.


     Dès 1978 le rock français produit ainsi le groupe Téléphone, la ville de Rennes se montre particulièrement prolifique puisqu'à la fin des années 1970 elle voit naître successivement Marquis de Sade, Niagara, Dominic Sonic. Il faut encore citer Trust, Starshooter, Taxi girl.

    Ces groupes contestataires évoquent les interrogations d'une jeunesse en mal de vivre : J'suis parti de chez mes parents, j'sais pas quoi faire ?  Chante Jean-Louis Aubert du groupe Téléphone.


     Les français prennent donc sur eux et décident alors d'entreprendre une lutte contre le mal-être, contre le doute, contre toute chose déroutante, troublante, désapprouvant un bonheur éventuel. La chanson est donc un élément principal de leur combat, elle les aide à retrouver la joie ainsi qu'à se battre contre les difficultés persistante. La chanson est en somme, un facteur du bonheur.

     


    C- Des genres émergeants, évocateurs de nouveaux sujets.

    L'émergence de genres musicaux a toujours été présente dans notre société. De leur naissance à leur disparition ou à leur transformation, les genres musicaux forment une part de l'histoire de la musique : ils mettent en lumière des particularités de chaque époque. Le progrès n'ayant donc eu d'autres effets que de révéler la laideur du monde, n'ayant pas vaincu la maladie, le cancer et le sida qui hantent toujours les jeunes générations, MC solaar parle dans La concubine de l'hémoglobine en 1994, le groupe Raggasonic également dans J'entends parler du sida en 1995, ou encore Charlélie Couture avec Elle danse pour oublier en 1997.

    Suite à un désespoir ambiant, et à la peur, la diffusion de la drogue est spectaculaire en cette fin de siècle, révélant la crise profonde d'une société qui cherche l'oubli de sa condition dans le refus du réel, et les paradis artificiels. La drogue devient un problème de société, s'abattant principalement sur la jeunesse, ainsi, la chanson fourmille en allusions plus ou moins claires aux diverses formes qu'elle peut revêtir. En 1994, Billy ze kick vend ainsi 500 000 exemplaires d'un disque comprenant à la fois une évocation des « pscilos », champignons hallucinogènes, et un titre OCB exaltant les vertus du « joint ». Puis, d'autres jugent nécessaire de lancer des avertissements comme le groupe IAM qui chante Sachet blanc en 1994, même Serge Gainsbourg met en garde les âmes innocentes, en créant sa chanson Aux enfants de la chance.

     A toutes ces contestations, reste l'inévitable sujet concernant le racisme.Grace à ce nouveau thème, de nouveaux genres se développent, ou s'imposent s'ils étaient peu présent, comme le rap, le raï, la reggae, etc. Prenons exemple sur le rap. A l'origine, le rap représente une forme de résistance artistique issue des ghettos new-yorkais où se développe un art dit « hip-pop », spontané, qui exprime le désespoir des exclus et le rejet de la société,à travers la danse, le graphisme ou la musique. Le rap apparaît alors comme le nouveau style de musique noire américaine exprimant les angoisses de populations.Il est immédiatement adopté en France par les jeunes des cités périurbaines qui y trouvent une forme d'expression originale. Des groupes sont alors popularisés tels qu'Assassins, Suprême NTM, ainsi que des chanteurs qui vont connaître une assez grande audiance comme MC Solaar. Mais cette production est avant tout le cri de désespoir de ceux qui s'interrogent comme le groupe Assassins en 1990 : Le futur que nous réserve-t-il ? Certains comme Doc Gynéco dans Nés ici opposent, un ailleurs paradisiaque et imaginaire aux déceptions de la vie. Certains morceaux de rap se montrent très violents,  haineux. Certains rapeurs s'attaquent verbalement à la police et aux institutions, n'hésitant pas à faire appel aux meurtres de policiers, comme Suprême NTM avec Nique la police, ou encore qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu ? (1995)

     D'un autre côté, la musique électronique surgit dans la société afin de rassembler les jeunes, pour leur permettre de se retrouver et d'oublier un présent décevant.La musique électronique n'est pas un moyen de contester, mais une possibilité d'unir une génération qui ne cherche qu'à se changer les idées.
    Les participants sont immergés dans un bain de rythmes et d'airs qui les plonge dans un univers second. Parfois la consommation d'hallucinogènes ajoute ses effets à ceux de la musique. Les rassemblements électroniques revêtent ainsi l'allure d'un rejet de la société.

      Puis, vient, pour finir, un thème qui est pour certains récent, pour d'autres anciens, qui a toujours été là : l'écologie.

    La société depuis quelques années se préoccupe et se mobilise en masse pour adopter des comportements écologiques, en vue d'analyses scientifiques inquiétantes, ainsi que des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes. La chanson, elle aussi, se mobilise pour ce sujet. Bien sur, elle s'est toujours en quelque sorte mobilisée, mais avec plus grand interêt durant ces 5 dernière. Plusieurs chansons, plus ou moins récentes sont fortement mobilisées, comme Objectif Terre de Ridan, Respire de Mickey 3D, Pauvre Planète de As de trèfle. Puis, l'incontournable groupe : Tryo, entièrement engagé, et plus particulièrement sur le domaine de l'écologie depuis quelques années. L'hymne de nos campagnes reste la plus explicite et un immense succès auprès du public.

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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